Comment le sport et la religion peuvent parfois se ressembler, voir même se rejoindre ? Extrait de l’article d’Olivier Bauer, professeur de théologie pratique à la Faculté de théologie et sciences des religions de Lausanne et marathonien, qui présente un bref aperçu historique de l’articulation de ces deux domaines de la Grèce classique en passant par l’apôtre Paul pour illustrer des questionnements contemporains.
Sur la une de L’Équipe du 17 juillet 2017, on pouvait voir un Roger Federer triomphant, les bras tendus vers le ciel. Plus étonnant était le titre qui accompagnait la photo, « Divin ! », illustrant les liens forts qui lient sport et religion. Si un·e athlète peut être divin·e, il est possible ou probable que certains êtres humains se mettent à l’adorer. […]
Si certains sports et certaines religions ont soigneusement évité de nouer des liens, d’autres sports – ou d’autres conceptions du sport – et d’autres religions – ou d’autres conceptions de la religion – ont emprunté l’un·e à l’autre. La Grèce classique avait fait du sport une manière de célébrer ses dieux et ses déesses. À Olympie et ailleurs, des hommes couraient, lançaient, sautaient et combattaient pour Zeus, Apollon ou Poséidon. Paul a utilisé le sport comme une métaphore de la foi, l’athlète comme un modèle de la personne qui croit : il faut courir ou boxer pour remporter un prix et s’entraîner dur pour y parvenir (1 Co 9,24-27). S’inspirant du célèbre apôtre, les lettres à Timothée ont filé la métaphore : la foi est un « beau combat » (1 Tm 6,12) ; l’athlète doit lutter selon les règles (2 Tm 2,5) et on imagine qu’une chrétienne ou un chrétien doit en faire autant. Si des liens sont noués, une hiérarchie est aussitôt rappelée. À Timothée, la première lettre donne ce conseil : Exerce-toi plutôt à la piété. L’exercice corporel, en effet, est utile à peu de choses, tandis que la piété, elle, est utile à tout. Ne possède-t-elle pas la promesse de la vie, de la vie présente comme de la vie future ? (1 Tm 4,7-8) […]
Il arrive enfin que le sport devienne une religion, avec ses dieux et ses déesses, avec ses dogmes et ses rites, avec ses fidèles et ses croyant·es, avec ses reliques, avec ses temples et ses autels […] Le sport est une religion. Ou plutôt dans une approche fonctionnaliste de la religion, le sport fonctionne comme une religion pour certaines personnes dans certaines circonstances. Mais de quelle religion le sport est-il alors le nom ? Car ce que l’on appelle communément « la religion » peut remplir diverses fonctions. Au sens fort, elle est un mode de relation avec une transcendance. Mais qu’on lui ajoute un qualificatif et son rôle change. Qu’elle devienne implicite ou civile, qu’elle soit vue comme une quasi-religion, elle évacue toute transcendance, et désigne la relation particulièrement forte autour d’une idée, d’une valeur ou d’une idéologie. Et c’est ainsi que le sport fonctionne comme une religion : certaines personnes, certaines villes ou certains pays font d’un sport, d’un club ou d’une équipe, pour un moment ou pour longtemps, le centre de leur vie individuelle ou collective. Ils vivent par et pour leur sport, par et pour l’équipe qui occupe leur cœur, leur âme et leur pensée.
Cet extrait provient de l’article « Articuler sport et religion », de Olivier Bauer. Il est disponible dans le n°49 de la Revue des Cèdres : Le sport, ma foi.