Le dernier Scorsese remet en lumière le destin de ces chrétiens qui ont fait profil bas, durant des centaines d’années, de leur pratique religieuse au pays du Soleil Levant. Le phénomène fait évidemment penser à d’autres circonstances religieuses comme celle du marranisme qui a prévalu sur la péninsule ibérique dès le XVe siècle. Elle rappelle aussi celle des frères de Foucault dont l’approche différente vise aussi à maintenir une présence symbolique et pacifique du christianisme en des terres culturellement éloignées. Aujourd’hui on évoque fréquemment le destin des chrétiens devenus ultra-minoritaires, pour ne pas dire évincés, en Irak ou en Syrie. Il est une autre catégorie de chrétiens devenus invisibles. Sous nos latitudes, ils ne fréquentent plus les lieux de culte et se désintéressent des rassemblements d’Eglise. Ils conservent néanmoins un certain attachement à leurs racines judéo-chrétiennes. On les qualifie de distancés pour bien préciser leur rapport à la religion. En un siècle qui n’en finit pas de régler ses comptes avec une chrétienté qui n’est plus, je vois une certains analogie à évoquer ces formes de christianisme anonyme. En écho à l’idée d’Eglise invisible chère à Calvin, il s’agit de distinguer les signes de présence sociale du christianisme de ses formes intimes, voir secrètes, connues de Dieu seul. Alors que les réformateurs s’échinaient à lutter contre ce qu’ils identifiaient comme une posture arrogante de l’Eglise institutionnelle, les croyants anonymes d’aujourd’hui seraient plutôt victimes d’une incapacité quasi physique de s’identifier avec les formes visibles du christianisme.