Comment penser l’Église de demain en tenant compte de ce que la société demande en termes de spiritualité et de communauté ? C’est la question qu’Alessandra Maigre, assistante doctorante en théologie pratique de la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg, se pose dans cet extrait d’article qui porte sur l’exemple de The School of life[1].
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Quel statut peuvent avoir des thèmes issus des religions pour les athées ? Quel genre de spiritualité cela dénote-t-il ? L’intention fondamentale qui se trouve derrière la création de The School of life est théorisée dans le livre d’Alain de Botton Petit guide des religions à l’usage des mécréants[2]. Alain de Botton est convaincu qu’il doit être possible d’être et de rester athée tout en piochant ponctuellement des idées intéressantes, utiles ou consolantes dans les religions. Il s’agit d’être curieux au sujet des idées et des pratiques des religions qui peuvent encore avoir un sens et être importées dans le monde profane[3]. Le constat qui sous-tend cette conception est que les religions servent à répondre à deux besoins humains qui demeurent d’actualité : le besoin de vivre harmonieusement en communauté et le besoin de pouvoir faire face à la souffrance. Pour de Botton, l’athéisme moderne se trompe lorsqu’il rejette catégoriquement tout ce qui vient de la religion. Certaines facettes restent pertinentes malgré le rejet de la foi en des dogmes[4], car il y a des « zones d’expériences » qui devraient appartenir à toute l’humanité[5].
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Que signifie ce genre d’athéisme pour nos Eglises ? L’athéisme que propose De Botton présente un double mouvement. D’une part, il cherche en quelques sortes à « démythologiser » la religion de sa dimension de foi. Il ne s’agit plus de croire en. Mais d’une certaine manière d’utiliser des mécanismes humains et sociaux intemporels proposés par les religions. Certains distancés de l’Eglise seraient certainement attirés par des aspects « rituels » et communautaires de la religion mais pas par de la pure croyance en Dieu. C’est également une manière pour The School of Life de s’inscrire quand même dans une continuité avec les religions traditionnelles en montrant qu’en étant « réadaptées » certaines idées sont encore tout à fait actuelles. D’autre part, De Botton propose le mouvement inverse qui consiste à reconsidérer des œuvres culturelles de manière « religieuse » – comprenez « qui peut fournir une assistance ». On pourrait dire qu’il essaie de développer une sorte de « religion de la culture ». Au milieu de cette absence de confiance soutenue par des balises culturelles, l’individu est appelé à se développer – à développer son intelligence émotionnelle. Serait-ce là, en tant que vie de l’esprit, le développement d’une spiritualité ? Il tente de s’accomplir. Ce qui ne signifie pas une vie parfaite selon l’image idéale que l’on peut s’en faire, mais une vie menée « au mieux » où l’on peut se sentir accompli. Il ne semble d’ailleurs pas être question de quête du bonheur dans la perspective de The School of life mais de quête de l’accomplissement (d’où un certain bonheur peut découler mais sans en être le but directement).
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The School of life est-elle véritablement capable de donner un sens « global » à la vie d’une personne ? Comme on le voit dans les questions abordées et dans les gadgets vendus, elle s’attaque à des problèmes très précis mais est-elle capable de les inscrire dans une continuité ? Les solutions proposées viennent de systèmes de pensée très différents qui appartiennent, certes, à la sagesse humaine mondiale mais ne forment peut-être pas un tout cohérent. Ces sagesses ne sont-elles pas instrumentalisées pour donner l’impression que The School of life s’inscrit dans une continuité de la pensée humaine à travers les âges ? Est-ce que la tradition universelle est prolongée par de nouvelles idées ? Est-ce que cela représente l’Eglise du 21e siècle ? …une « Eglise » où l’on est appelé à piocher de ci de là dans un ensemble de traditions pour développer sa propre spiritualité cohérente et authentique dans un système de « croyance » global propre à chaque individu ?
Cet extrait provient de l’article « Les nouvelles spiritualités : un défi pour les Églises, l’exemple de la School of life », de Alessandra Maigre. Il est disponible dans le n°48 de la Revue des Cèdres : Ce qu’il reste à croire.
[1] https://www.theschooloflife.com/
[2] Alain de Botton, Petit guide des religions à l’usage des mécréants, Paris, Flammarion, 2012.
[3] Ibid., p.12
[4] Ibid., p.13
[5] Ibid., p.15